2.12.09

Le coup de grisou


— J’étouffe, mon Dieu, j’étouffe. Je suis coincé, pris au piège, prisonnier. Les mains et les pieds coincés dans ce boyau, je ne peux plus bouger.




C’était pourtant une belle journée. Tout était calme, je me sentais serein, apaisé. Tout à coup le cataclysme, un indescriptible mouvement qui bouleverse tout l’univers. Le chaos. Tout a tremblé, la secousse a été si forte qu’elle m’a transporté comme un fétu de paille, remué, retourné, je n’ai pu résister au courant, et je me suis laissé emporter. Je n’arrivais plus à contrôler mes gestes, je n’étais désormais plus maître de mon destin.

C’est fini maintenant, le calme est revenu, mais j’ai peur. Peur du silence qui s’est installé. Je n’entends plus rien. Autour de moi tout est noir. Est-ce ça la mort ? Non, mon cœur bat encore.

— Calme-toi, les secours vont arriver.

Seulement ça traine et là on a le temps de penser, de se poser mille questions pour éviter de se poser la bonne : Et s’il n’y avait plus de secours ?

Coincé dans ce passage, je suis seul, livré à moi-même, ignorant tout de l’extérieur, si même il reste un extérieur. Et j’ai peur.

— Et si je ne sortais pas ? Et si par chance quelqu’un me repérait, aurait-il le temps de prévenir les secours ? Ne verrais-je donc jamais la lumière ?

Il faut se calmer, faire le point. Pour l’instant, je suis encore en vie, je peux bouger mes orteils et mes doigts, mais mes mouvements sont limités. Je pourrais faire un signe, donner des coups contre la paroi. Signaler à l’extérieur que je suis là, encore vivant !

Lentement, avec mille précautions, je tente d’élever ma main, recroqueville mes doigts pour frapper le plus fort possible, tremblant de déclencher un écrasement de la cavité. Durant un long moment, à coups répétés et réguliers, je cogne, cogne à m’en faire mal, à m’épuiser, en vain.



Et à nouveau, le cataclysme, les murs qui s’ébranlent, se tordent, se plient, se déforment, je n’ai plus de mots pour exprimer ma terreur, je ne me sens plus, extrait de moi-même dans cette prison sans nom.

Dans mon obscurité, confusément des voix s’élèvent, murmures qui se rapprochent. Ils sont plusieurs, je les distingue, voix d’homme, voix de femme. Epuisé je ne peux bouger, redoutant que le moindre signe ne mette fin à tout espoir d’être découvert. Les voix se rapprochent et avec elles l’espoir grandit. Dans un dernier effort, je tente de m’extraire. À l’extérieur on bouge, on s’agite : ils m’ont repéré ! Le bonheur du naufragé sauvé après des années de solitude ne saurait se comparer au soulagement que j’éprouve en cet instant, qui restera à jamais gravé en moi.

J’aperçois d’abord une faible lueur, qui peu à peu se fait plus vive, des mains se tendent pour m’extraire. Sauvé, je suis sauvé ! La délivrance, l’angoisse, le bonheur, la douleur de ce passage étroit me font hurler. Maintenant j’entends parfaitement la voix de l’homme :



— Félicitations, Madame Grisou, c’est un beau garçon !



1 commentaire:

  1. On le sent venir sans le sentir, mais ce qui arrive n'est pas tout à fait ce qu'on attendait. Un coup très bien joué.

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